Un coin de campagne à deux pas de la Porte de Bagnolet
Tu sais ce moment un peu flou où tu te perds dans les rues de Paris, le nez en l’air, et que tout à coup, tu atterris dans un autre monde ? C’est exactement ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai découvert la Campagne à Paris. J’étais venu rendre visite à une amie dans le 20e et, au détour de la place Octave Chanute, je me suis retrouvé face à un escalier pavé bordé de glycines en fleurs. Là, silence total. Plus un bruit de klaxon. Juste le chant des oiseaux. Ça m’a scotché.
Ce quartier, suspendu hors du temps, te plonge dans un Paris méconnu. Rien à voir avec l’agitation d’Oberkampf ou de République. Ici, ce sont de petites maisons alignées, des jardins clos bien entretenus, des volets colorés qu’on imagine ouverts sur une tisane fumante. Le genre d’endroit qui te donne envie de relire Pagnol ou d’écrire un roman. Sauf qu’on est à deux minutes de la ligne 3 du métro. L’ironie délicieuse de Paris dans toute sa splendeur : la campagne sans quitter la ville.
L’histoire sociale d’un projet utopique mais bien réel
La naissance de ce quartier a quelque chose de lointain et d’idéaliste, presque naïf. En 1907, un pasteur du nom de Sully Lombard rêve de rendre la propriété accessible à des Français modestes. Une idée révolutionnaire à l’époque. Il achète un ancien terrain de carrières de gypse — un sol pas franchement stable, mais bon marché — et imagine une coopérative d’habitations.
En 1911, un archi du nom de Pierre Botrel reprend le flambeau. Inspiré par les cités-jardins anglaises, il conçoit un lotissement à échelle humaine. Les maisons ne sont pas gigantesques, mais cosy, lumineuses et entourées de verdure. Entre 1911 et 1928, malgré la guerre et les hausses de prix (on passe de 16 000 à 37 000 francs pour une maison), 92 pavillons voient le jour. Ce sont les futurs repaires d’ouvriers et de fonctionnaires plein d’espoir.
Ce qui me frappe, c’est la cohérence du projet. Pas une maison pareille. Et pourtant, tout s’harmonise. Comme si Botrel avait orchestré chaque détail pour créer un équilibre parfait entre variété et unité. Il suffit de lever les yeux pour comprendre que rien n’a été laissé au hasard.
Un urbanisme à taille humaine, entre pavés et tourelles
Ici, les rues ont des noms qui chantent. Paul-Strauss, Irénée-Blanc, Jules-Siegfried. Les quatre ruelles à escaliers portent les jolis noms de Mondonville ou Georges-Perec (oui, l’auteur sans la lettre E). Et le tout est ceinturé de grands axes : boulevard Mortier d’un côté, Porte de Bagnolet de l’autre.
Ce contraste rend la Campagne à Paris encore plus magique. Tu sors du métro Porte de Bagnolet, tu traverses une rue bruyante avec ses fast-foods et ses bars à chicha. Puis tu bifurques, tu montes un peu et te voilà dans un écrin : escaliers de pierre, haies fleuries, pavillons aux tuiles rouges.
- Rues pavées : ambiance carte postale garantie
- Maisons fleuries : chacune a sa personnalité et sa petite touche artistique
- Accès facile : métro ligne 3, station Porte de Bagnolet
Ce coin de paradis est si bien planqué que même certains Parisiens ignorent son existence. Et c’est peut-être tant mieux.
Des pavillons uniques qui racontent tous une histoire
Si tu aimes flâner pour observer les façades, ici c’est le jackpot. C’est un festival de détails. Une marquise en fer forgé par-là. Une façade rose fuchsia par ici. Des volets bleu ciel, des jardins cachés derrière des grilles forgées… Chaque maison pourrait faire la couverture d’un magazine déco. Ou d’un cahier d’inspirations Pinterest.
Le style ? On est entre l’anglo-normand et l’alsacien, avec beaucoup de briques et de meulière. Les toits pointus donnent un petit air de chalet de montagne. Tu pourrais croire que tu es à Honfleur ou à Colmar. Certaines maisons semblent sorties tout droit de l’univers de Miyazaki.
À l’origine, un règlement dictait la vie ici :
- Interdiction d’ajouter des extensions
- Pas de commerces « bruyants »
- Jardins propres et sans constructions inesthétiques
Et étonnamment, malgré les années, l’esprit de ces règles a survécu. Ce charme délicat, presque intemporel, est toujours là.
Une transformation sociale qui fait un peu grincer des dents
Évidemment, ce genre de pépite attire. Et ce qui était au départ un projet social est devenu un eldorado pour les classes aisées. Depuis les années 90, les rues sont publiques et les prix ont explosé. Aujourd’hui, on parle de plus de 15 000 € le mètre carré. Pour une maison, compte au bas mot 1,5 million d’euros.
C’est un peu le paradoxe parisien. Là où les ouvriers vivaient en paix, ce sont maintenant des cadres branchés ou des retraités fortunés qui entretiennent les rosiers. Mais au-delà du prix, ce quartier garde une âme. L’âme de ceux qui rêvent d’un Paris plus doux, plus vert, plus humain.
Alors oui, c’est un peu gentrifié. Mais pour peu qu’on s’y attarde, on sent encore l’écho des ambitions originales. Cette volonté de créer un coin de vie, pas juste un décor Instagram.
À voir absolument autour de la Campagne à Paris
Si tu fais le déplacement pour découvrir ce trésor, autant t’attarder un peu dans le quartier. Non loin, tu peux faire une jolie petite balade bucolique :
- La Cité de l’Ermitage : autre parenthèse champêtre à quelques rues
- Villa du Borrégo, Villa Georgina : avec leur atmosphère paisible et leur charme vieillot
- Village de Charonne : presque rural, avec la charmante rue Saint-Blaise
- Place Édith Piaf : avec sa statue de la môme, parfaite pour une pause photo
C’est toute une mosaïque de petits coins secrets qui s’offre à toi. Loin des circuits classiques. Idéal pour un dimanche ensoleillé, un café à la main et l’âme légère.
Un bijou à préserver au cœur de la ville
La Campagne à Paris, c’est un peu comme une capsule temporelle. Une idée un peu folle devenue réalité. Et heureusement préservée. Bien sûr, les pavillons ne sont plus aussi accessibles qu’en 1910. Mais rien n’empêche d’en savourer la beauté.
Ce lieu nous rappelle qu’un autre urbanisme est possible. À échelle humaine. Respectueux. Beau. Et surtout, accessible à pied, au temps et à la rêverie.
Alors la prochaine fois que tu traverses Paris trop vite, pense à ralentir. À sortir des grands boulevards. Et à chercher la petite porte vers ce village caché. Tu pourrais bien y laisser un morceau de ton cœur.
Et toi, connais-tu ton coin secret préféré à Paris ? Le genre d’endroit que tu n’oses presque pas partager ?